"Etat de garce"
A 4 ans, Sarah Michelle Gellar jouait les Shirley Temple sous les sunlights du soap "All
My Children". Depuis, elle a personnifié Jackie Kennedy
ado pour un téléfilm, s'est faite couper en rondelle
dans "Souviens toi... l'Ete Dernier" et "Scream 2",
a décimé des légions de monstres dans la série
qui a fait d'elle une star, "Buffy contre les vampires".
Dans "Sexe Intentions" (et cet entretien), Sarah Michelle
Gellar, 22 ans et déjà vétéran, dévoile
sa face cachée...
Par Marc Toullec
Cine Live : Comédienne, vous l'étiez déjà en sortant du berceau. Cette
vocation, ce sont vos parents qui l'ont décidée pour vous ?
Sarah Michelle gellar : Non, pas du tout. c'est arrivé par hasard.
J'avais 4 ans, je me trouvais avec mes parents dans un restaurant lorsqu'une
femme s'est avancé vers moi pour me demander si je voulais faire
de la télévision. Elle a noté mon nom, mon adresse
et mon numéro de téléphone. Mes parents croyaient
fermement que jamais elle ne rappellerait. Quelques jours plus tard,
le téléphone sonnait...
N'avez-vous jamais regretté que ce coup de téléphone ait vampirisé
ce que vous auriez pu devenir en d'autres circonstances, qu'il ait radicalement
modifié le cours de votre existence ?
Au départ, j'ai pris ça comme un jeu. Ca m'amusait, ça
m'a permis de vivre des choses uniques que peu de jeunes connaissent.
Voyager dans le monde entier, par exemple. Au fil des ans, j'ai pris
le métier de comédienne plus au sérieux dans la
mesure où il me permettait de m'offrir des études extrèmement
onéreuses dans une école de Manhattan. Donc, j'ai d'abord
été actrice par envie de m'éclater. Après
le lycée, je me suis cependant demandé si c'est vraiment
ce que je voulais faire, si cela allait devenir un emploi à plein
temps. Même si je travaillais dans le monde du spectacle, je n'y
avait pas fait toute mon éducation. J'ai eu de la chance de grandir
normalement, d'avoir une enfance comme les autres. Enfin presque, puisque,
pour ressembler aux garçons, j'ai renoncé à la
danse pour pratiquer le taekwondo ! Mais je n'ai jamais été
obsédée par un quelconque plan de carrière.
Finalement, vous êtes comédienne par opportunisme ?
C'est beaucoup plus simple que cela : je suis comédienne parce
que j'aime ça. J'ai une chance folle. C'est une bénédiction
que de se lever chaque matin avec le désir de travailler. Quand
on déteste son boulot, ça doit être un véritable
cauchemar.
Vous considérez-vous comme une reine de la terreur à l'écran ? Souviens toi...
l'été dernier, Scream 2, Buffy... Vos principaux titres
de gloire abondent dans ce sens !
Certainement pas. J'ai certes tourné des films d'horreur, mais
mes personnages ne sont pas les pétasses que l'on voit généralement
dans le genre. au début, je n'était pas très chaude
à l'idée de jouer la reine de beauté de Souviens
toi... l'été dernier. A première vue, elle
correspondait à la quintessence de la bimbo qui hurle à
s'en décrocher la mâchoire. Mais, à la lecture du
scénario, je me suis rendu compte que Kevin Williamson ne se
pliait pas aux stéréotypes, ils décrivait des personnages
réels. C'est pourquoi j'ai rempilé pour Scream 2.
Le cas de Buffy n'est finalement pas très différent. Buffy
Summers n'est pas la Pamela Anderson de la lutte contre les vampires.
Jamais je n'aurais pu tenir le rôle si je n'avais pas accroché
à sa personnalité. Ce n'est pas qu'une gentille, mais
c'est aussi une fille solide, qui possède une forte personnalité,
qui se prend en charge, qui vit les conflits intérieurs que connaissent
toutes les adolescentes de son âge. Un âge que je traversais
alors. rien à voir avec la blondasse typique des séries
télé !
Si vous incarnez aujourd'hui Kathryn Merteuil, la "salope" de Sexe Intentions,
c'est pour casser votre image de gentille ?
Ce n'était pas tant pour casser mon image que pour démontrer
que j'étais capable de changer de registre, de jouer aussi bien
une méchante vicieuse qu'une gentille. Sexe Intentions,
je l'ai tourné pour un tas de raisons. D'abord pour incarner
la déclinaison contemporaine d'un personnage aussi exceptionnel
et connu que Madame de Merteuil. Ensuite pour prouver que je n'étais
pas captive d'un seul rôle. C'est très important pour un
comédienne d'éviter le cloisonnement, de ne pas pousser
le public à vous identifier avec le persoonage qui vous à
fait connaître. Dans la vie, je ne suis pas Buffy !
Passer de Buffy la "vertueuse" à un personnage aussi négatif
que Kathryn Merteuil n'a pas été trop complexe ?
Rien n'est facile dans ce métier si vous vous efforcez de la
faire du mieux que vous le pouvez. Si je suis arrivé là
où j'en suis aujourd'hui, c'est parce que j'ai travaillé
très dur. Je connais la valeur et l'importance des choses. ce
n'est pas le cas de Kathryn merteuil dans Sexe Intentions. Elle
vient d'un mlieu privilégié, elle n'a jamais eu à
faire le moindre effort pour obtenir ce qu'elle désirait. Rien
pour elle n'a de valeur. Et c'est pourquoi elle en veut toujours plus.
Elle croit fermement qu'ainsi seulement elle pourra accéder au
bonheur. Kathryn Merteuil n'est pas devenue la pire des salopes par
hasard. Pour lui donner un peu d'étoffe, la rendre plus réaliste,
j'ai regardé autour de moi. Des Kathryn Merteuil, des Sebastian
Valmont, j'en connais un car entier !
Et vous glisser dans la peau d'une teigne pareille au vocabulaire particulièrement
fleuri, ça ne vous déstabilisait pas trop ?
Le soir, lorsque je rentrais me coucher, je me sentais parfois très
mal. J'espérais que personne n'irait penser que j'étais
une pareille garce au quotidien. Naïve, je croyais que Ryan Phillippe,
mon partenaire, allait m'en vouloir de le persécuter ainsi. Mais
ça valait le coup que je me torture un peu les méninges,
et Kathryn Merteuil m'intéressait précisément parce
qu'elle séloignait de ma propre personnalité. Elle est
affranchie, revendique une sexualité totalement libre...Je ne
lui ressemble pas du tout, je me sens bien plus proche du personnage
d'Annette Hargrove, ma rivale. Faire l'expérience de la méchanceté,
du vice devant la caméra, ça me motivait car, dans la
vraie vie, cela ne risque pas de m'arriver.
Avez-vous vu Les liaisons dangereuses version 1988, avec Glenn Close et John Malkovitch ?
Oui. En fait, j'ai visionné toutes les précédentes
adaptations des "Liaisons dangereuses". Il était
important que je ma familiarise avec le rôle. Finalement l'expérience
s'est avérée plutôt handicapante parce que j'avais
à interpréter une jeune femme de la fin du XXème
siècle. Pas une aristocrate du XVIIIème, ce qui est radicalement
différent. Je ne pouvais donc me reposer sur la prestation de
Glenn Close dans la version de Stephen Frears. En fait, le retour aux
sources, au livre de Choderlos de Laclos, m'a été plus
utlie ; il m'a permis d'avoir une vision précise et étendue
de la psychologie de tous les personnages, de connaître leurs
pensées. A partir de là, je me suis construit une image
de Kathryn Merteuil en osmose avec son époque.
Vous voir à l'écran, vous aimez ça ?
Mon dieu non. Quelle Horreur ! J'espère un jour avoir suffisamment
de recul pour pouvoir supporter mon image. Pour le moment, je ne peux
pas me voir en peinture. Quand je me vois, je pense toujours : "Pourquoi
cette diction ? Pourquoi ce geste ? Pourquoi cette mèche de cheveux
de travers ?". En général, je ne vois mes films qu'une
fois et de préférence seule, barricadée. Je suis
très critique à mon égard : jamais il ne me viendrait
à l'idée de conseiller à des amis d'aller voir
un de mes films au cinéma. Je me refuse même à regarder
"Buffy contre les vampires" à la télévision.
Je jette simplement un coup d'oeil sur un montage mal dégrossi
des épisodes, avant le mixage et l'intégration des effets
spéciaux. Pas question que j'allume la télévision
pour me contempler.
Dans Sexe Intentions, vous avez notamment à assumer une scène très chaude,
embrasser une fille à pleine bouche dans un lieu public...
C'est très dur ! Embrasser quelqu'un devant une caméra,
même un homme, est toujours très difficile. Un acte aussi
intime devant tout ce monde... Mais là, j'ai bien cru que j'allais
vomir ! Pour relever le défi, j'avais constamment à l'esprit
les raisons de ce baiser. ce baiser a un sens. Dans le cas contraire,
j'aurais refusé la scène. Il cristallise la compétition
sexuelle dans laquelle s'embourbe Kathryn. Il montre également
comment elle entend manipuler Cécile, la dévoyer. Mais
ces quelques instants n'ont pas constitué la plus grande difficulté
de Sexe Intentions. Ce sont plutôt les dialogues qui demandaient
un maximum d'efforts. Venant du théatre, Roger Krumble les avaient
rédigés à la manière de ceux d'une pièce.
Dans la séquence d'ouverture, qui dure sept minutes, Ryan Phillippe
et moi avions onze pages à mémoriser. Sur les planches,
c'est très courant. Pas sur un plateau de cinéma. Il fallait
que nous leur donnions du dynamisme, éviter l'ennui.
Vous avez bien changé depuis Souviens toi... l'été dernier, depuis les premiers
épisodes de "Buffy". Vous n'avez plus l'air d'un gros
bébé...
J'en suis consciente. Mais attention, je n'ai subi aucune intervention
chirurgicale ! Souviens toi..., c'était il y a trois ans
et demi. Pour une adolescente, c'est très long. Entre 18 et 22
ans, les gens se métamorphosent. J'ai donc changé, comme
tout le monde. J'ai perdu sept kilos et demi, notamment parce que j'ai
arrêté d'avaler la nourriture servie sur le plateau de
"Buffy". Elle était vraiment mauvaise, elle
baignait dans l'huile. Je n'en pouvais plus de manger des plats frits
! Je suis heureuse de cette évolution physique. Sans cette perte
de poids, je ne sais pas si j'aurais été capable de bâtir
de nouveaux personnages et de sortir de la peau de Buffy.