Vous connaissez tous la célèbre série, Buffy contre les Vampires,
mais savez-vous qu'elle fut tirée d'un film resté méconnu
? L'histoire que nous allons vous raconter ici n'est donc pas celle
des personnages, mais celle de la série - et du film.
Pour chaque génération, on désigne un - ou plutôt une - "élu(e)",
chargé(e) de repousser vampires, démons
et autres créatures des Ténèbres. Mais avant
que la série Buffy the Vampire Slayer ne soit programmée
sur une chaîne américaine pour la première fois,
en guise de bouche-trou entre deux saisons, en mars 97, Sarah
Michelle Gellar dut affronter un ennemi bien plus pernicieux encore
que les monstres hideux du scénario : le scepticisme général
à l'égard de la série !
un succés inattendu
Son concept mêlant humour, horreur et romance paraissait voué à l'échec.
Cette histoire de lycéenne appelée à combattre
les forces du Mal avait d'ailleurs fait l'objet d'un film qui
n'avait pas franchement connu le succès. En outre, les acteurs
étaient parfaitement anonymes. Et, pour couronner le tout, la
série était diffusée sur WB, un réseau
au stade du balbutiement qui luttait pout attirer ses tout premiers
téléspectateurs. Buffy the Vampire Slayer semblait
donc destinée à être rapidement déprogrammée,
faute d'audience.
Seulement voilà, la série avait de la gueule ! Son côté
sarcastique plut aux adultes et les ados apprécièrent
la profondeur de caractère concédée aux jeunes
acteurs : bien loin des rôles imbéciles habituels, les
personnages de Buffy se montraient sardoniques, anxieux, décidés,
nobles... même s'ils manquaient parfois un peu de constance. Et
l'incroyable se produisit : les taux d'audience de WB grimpèrent
en flèche et la jolie frimousse de Sarah Michelle Gellar se retrouva
bientôt en couverture de nombreux magazines américains.
le phénomène Buffy
Aujourd'hui, Buffy the Vampire Slayer -, si vous préférez, Buffy contre
les vampires - fait également figure d'élue parmi
les séries télévisées, à l'instar
de X-Files ou de Star Trek, dont le petit noyau de fans
originel enfla démesurément.
Ses aficionados portent des vêtements griffés Buffy,
tapissent leurs pochettes de cours de photos d'Angel et échangent
quantité de messages angoissés évoquant les intrigues
amoureuses nouées à Sunnydale sur Internet.
On trouve maintenant des romans, des bandes dessinées,des bijoux
et autres accessoires fabriqués sous licence.
Quant à Joss Whedon, le créateur de Buffy,
il s'est attaqué à la réalisation d'une seconde
série tournée en parallèle, Angel, plus
spécifiquement axée, comme son titre l'indique, sur le
personnage interprété par David Boreanaz. Et il
semblerait qu'il ait également l'intention de reprendre le chemin
du grand écran. Deux ans après ses laborieux débuts
à l'antenne de WB, Buffy est devenue un phénomène
de masse. Mais comment et pourquoi ?
l'avis d'une spécialiste
Le public ne fut pas le seul à témoigner son soutien : les professionnels aussi
soulignèrent la qualité de la série. Joyce Millman,
une critique américaine réputée, affirma qu'elle
fut immédiatement séduite par sa richesse psychologique.
"Ce n'est pas la première fois que le lycée est utilisé
comme métaphore pour désigner l'enfer - je pense notamment
à Carrie et Heathers -, mais Buffy va un
peu plus loin", dit-elle. "Buffy et ses amis sont confrontés
aux problèmes typiquement adolescents que sont les chagrins d'amour,
la cruauté de certains élèves et l'incompréhension
des parents ou des profs, mais ils vivent également aux portes
de l'enfer et ils ont tous conscience que leurs petits problèmes
quotidiens sont insignifiants en comparaison de ceux que leur causent
les démons."
Joyce Millman note aussi l'importance de leur mission et l'abscence
quasi totale d'adultes dans le combat qu'ils mènent contre les
puissances du Mal. "Ce que j'aime dans cette série,
c'est que des enfants sont littéralement en train de sauver le
monde, alors que les adultes s'imaginent qu'ils ne pensent qu'à
eux", précise-t-elle. "Quant à Buffy, je la
trouve admirable. Elle ne manque ni de confiance en elle, ni de force
physique. On a rarement l'occasion de voir de tels personnages féminins
à la télévision. Elle a le sang-froid de Scully
et les techniques de combat de Xena. Ce mélange me parait tout
à fait imparable."
quel avenir pour la série ?
Buffy n'est toutefois pas immortelle et pas plus que ses indéniables qualités
que ses fans ne la protègeront des dangers futurs guettant toute
série à succès. Il sera en effet de moins en moins
facile à ses producteurs d'en maintenir l'intérêt
au cours du temps, vu la hauteur à laquelle la barre a été
placée. Le pire, c'est que c'est de la faute de Joss Whedon
et de ses sbires... car la première véritable saison de
la série (la seconde, donc) était remarquable ! Le côté
mythologique occulte s'était renforcé, l'histoire d'amour
unissant Buffy et Angel avait pris corps, et deux nouveaux vampires,
Spike et Drusilla, avaient rejoint le clan des méchants.
La seconde saison s'acheva de façon très émouvante
: Buffy avait perdu sa virginité et Angel, la vampire repenti,
avait été rattrapé par la malédiction qu'on
avait jeté sur lu. Celui ci étant redevenu mauvais. Buffy
sera contrainte de le tuer pour sauver le monde.
Présenté ainsi, cela fleure bon le mélo à
deux francs, mais, grâce au talent de Whedon, on ferait mieux
de comparer le résultat à Shakespeare - un Shakespeare
étonnamment modernisé, version minifupes et rock'n'roll.
"On savait tous que Joss [Whedon] avait un imagination
extraordinaire", a déclaré Anthony Steawrd Head,
l'acteur qui joue le rôle de Giles, " Mais, avec cette seconde
saison, il est allé encore plus loin".
l'auteur parle
"La première saison a largement dépassé mes espérances",
confie Joss Whedon. "L'inconvénient, c'est que la deuxième
a été bien plus difficile. Je me demandais si je serais
capable de rééditer l'exploit, si la "magie"
serait encore là ? Cela m'a incité à travailler
d'arrache-pied, alors ce n'est peut-être pas si mal."
La première mouture de Buffy vit le jour au cinéma,
il y a quelques années. Joss Whedon pensa qu'il serait
amusant de renverser le stéréotype grossier des films
d'horreur dans lesquels de jeunes idiotes criardes et pleurnichardes
se font dépecer par des démons.
Buffy the Vampire Slayer, le long métrage, sortit en 1992,
Kristy Swanson, Luke Perry, Rutger Hauer et Paul
Reubens y tenaient la vedette, mais Fran Rubel Kuzi, le réalisateur,
supervisait l'équipe de tournage et Joss Whedon dut donc
renoncer aux thèmes plus ambitieux qu'il aurait souhaité
développer.
Après avoir écrit - ou réécrit, une tâche
lucrative mais souvent ingrâte et artistiquement limitée
- divers scénarios hollywoodiens (notamment Twister, Waterworld...
et Alien Ressurection, qu'il désigne lui-même comme
"la pitoyable humiliation finale de ma pitoyable carrière
cinématographique"), Joss Whedon ressuscita Buffy
à la télé, mais en gardant cette fois le contrôle
complet des opérations.
du rififi chez Buffy
Le succès de la série semble avoir néanmoins pris Joss Whedon
au dépourvu. Ainsi, il reconnaît aisément ne pas
trop savoir dans quelle direction orienter la suite de l'histoire. "Une
partie de la troisième saison reste en suspens", admet-il.
"Les personnages vieillissent, ils décrochent leurs diplômes
et chacun doit s'occuper de son petit copain ou de sa petite copine.
Je pense que le groupe aura, à l'avenir, tendance à se
diviser. Tout ne sera pas aussi simple que ça l'était
au début, lorsque tout la monde était pote avec tout le
monde."
Quant au tournage des saisons suivantes, il paraît des plus hasardeux,
puisque Angel fera l'objet d'une nouvelle série à part
entière, Whedon et son équipe devront scinder leur temps
entre deux projets distincts, un cas de figure qui a déjà
porté préjudice à X-Files, lorsque Chris
Carter a commencé à travailler parallèlement
sur Millennium.
en outre, le potentiel de Buffy demeure inévitablement
limité par le fait que le réseau WB n'est toujours
pas diffusé dans toutes les villes américaines et que
le coeur de cible reste majoritairement ado. En dépit de l'impressionnante
progression de ses taux d'audience, aussi bien chez les jeunes que chez
les adultes, Buffy n'en est pas moins nettement distancée
par le peloton de tête des séries les plus regardées
du moment. Or, ceci risque de nuire à son expansion, dans la
mesure où sa valeur marketing est un élément-clé
du business américain.
le pour et le contre
Naturellement, bon nombre de fans ne verraient sans doute aucun mal à ce que Buffy
demeure leur petite série-culte préférée.
A tout prendre, le retour à un semi-anonymat vaut peut-être
mieux qu'une présence incessante à la une des magazines
et surtout qu'une ultime prolongation sur gand écran qui casserait
tout son charme.
Joss Whedon se montre relativement évasif à cet
égard : il affirme n'avoir aucun projet en la matière,
mais sa légitime hésitation à revivre sa frustration
passée ne lui permet cependant pas d'en écarter l'hypothèse.
"Ce n'est rien de plus qu'une rumeur - je n'ai aucun film en préparation
!", s'écrie-t-il. "Bien sûr, ce serait cool d'en
refaire un. Mais, avec déjà deux séries sur les
bras, cela paraît difficile à court terme. Je me suis dit
que je pourrais adapter la série au cinéma un peu à
la Star Strek, mais j'ai aussi envisagé d'envahir la Pologne.
Alors on verra quelle option je choisirai..."
Enfin, une dernière
inquiètude guette la série, car Sarah Michelle Gellar
pourrait préférer donner suite à sa naisante mais
prometteuse carrière cinématographique. Joss Whedon
se veut rassurant : "Sarah honorera son contrat avec nous et n'ira
nulle part ailleurs", lance-t-il avec conviction. Un nouveau défi
pour Buffy ?
Stan Svensen
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